Image via Wikipedia
La crise conduit à l'invention de nouveaux paradigmes. British Airways, en proposant à ses salariés de donner leur temps de travail à leur entreprise dans le but de sauvegarder son existence sans pour autant garantir sa survie est à présent fer de lance de l'innovation sociale ou plutôt devrait on dire "antisociale".
Le salaire est le produit d'un échange. Je te vends ma force de travail, mon temps et ma disponibilité intellectuelle, en échange d'un salaire. Jusqu'à présent tout était clair. Mais c'était compter sans la crise, les tombereaux de pertes comptables qui l'accompagnent et surtout la démobilisation des actionnaires.
On compte généralement deux principaux types d'actionnaires. Les actionnaires de long terme d'une part, les spéculateurs d'autre part. parmi les actionnaires de long terme, on trouve les actionnaires familiaux et autres noyaux durs dont l'intérêt ne repose pas sur un seul dividende ou une simple perspective de plus value mais qui souhaitent conduire les destinées de leur participation. Dans la catégorie des spéculateurs on logera l'ensemble des investisseurs dont la seule préoccupation consiste dans l'optimisation de la rentabilité de leur portefeuille. Je reconnais bien volontiers que ce distinguo opposant frontalement les spéculateurs et les autres est exagérément simpliste et forcément faux. Mais Bon.
L'ensemble des actionnaires ont perçu des portions de résultat sous forme de dividendes de plus en plus importantes au cours des deux dernières décennies. La générosité des entreprises en la matière permettait le maintien d'un actionnariat stable et qui pouvait être sollicité afin de financer de nouveaux projets. Au moment ou l'entreprise ne produit plus de richesse (temporairement), et brule un peu plus de cash chaque jour celle-ci a besoin de se financer. La vocation du système bancaire n'est pas de financer des pertes, mais de prêter sur des actifs, fussent ils incorporels, voire totalement immatériels. Reste donc le marché, ou les actionnaires. Mais ceux-ci semblent avoir disparu et ne ressentent aucune solidarité vis-à-vis de l'entreprise, qui n'est au fonds qu'un simple produit financier.
Si les banques ou les obligataires se détournent et si les actionnaires jettent l'éponge, alors les seules apporteurs de ressources sont l'état et les salariés. L'état, est lié par les autorités de surveillance du marché et de la concurrence à Bruxelles. On peut le déplorer, mais la nationalisation des pertes ne vaut qu'en présence d'un risque systémique. La faillite de British Airways aurait avant tout des conséquences sur un plan symbolique et financier, sans toutefois générer d'effet domino. La compagnie n'irait pas de toutes façons à la liquidation, mais serait forcément reprise par une de ses concurrentes.
Alors, dans ces conditions, la seule ressource disponible réside dans la contraction du poste salaires. On aurait aussi pu compter sur les fournisseurs, et ceux-ci pour préserver leur client auraient pu fournir leurs prestations ou leurs services gratuitement pendant un mois. J'imagine que la facture aéroportuaire (stationnement et taxes) est loin d'être marginale. Mais non, c'est vers les salariés que l'entreprise a décidé de se tourner, leur demandant d'offrir leur temps de travail….. En échange de …. Rien puisque justement elle leur demande de lui faire un cadeau.
Il est choquant de voir détourné la substance même de la notion de salaire, qui est à l'origine de l'échange, avant même l'apparition de la monnaie. Le rapport instauré par l'entreprise est nouveau et il est encore plus choquant que les pouvoirs publics laissent s'établir ce nouveau genre de rapports sans réagir ou proposer de régulation.
Si l'entreprise n'est pas viable, alors elle doit se déclarerez en faillite. Si ce n'est pas le cas, alors elle doit pouvoir se financer par voies naturelles. Il est vrai que à période exceptionnelle, moyens de financement exceptionnels. Mais le rapport d'échange du salariat ne doit pas être corrompu.
Aussi pourrait on imaginer qu'en échange de leur travail, les salariés qui l'accepteraient se verraient rémunérés en action, éventuellement sans droit de vote mais à dividende prioritaire. Le marché pourrait même être mis en concurrence avec les salariés. Et la demande de réduction de salaires pourrait être inversement proportionnelle au succès de l'offre publique. Rien n'interdirait par ailleurs au salariés de rechercher des actions directement sur le marché, mais en échange de monnaie et non de temps de travail gratuit.
Ce qui est choquant selon moi ne réside pas tant dans le fait que l'on demande un effort aux salariés; effort que l'on ne réclame a aucun autre apporteur de ressource. Mais que l'on assimile les salariés aux seul apporteurs de ressources possible sans qu'on leur offre en échange la moindre contrepartie financière.
Le "succès" d'une telle "offre" pourrait constituer un précédent fâcheux et ouvrir la voie d'une nouvelle ère dans le rapport entre l'entreprise et son salarié.
Dernière minute: l'offre de British Airways aurait été assortie d'une offre de rémunération en actions. Reste à examiner les modalités d'une telle offre et vérifier que le traitement des salariés actionnaires est véritablement équitable. Si le raisonnement ci-dessus est invalidé par une telle offre, il n'en demeure pas moins que cette annonce, pour le moins spectaculaire aura probablement fait germer quelques idées au niveau de l'évolution du rapport au travail dans la tête de certains managers.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire